Les ex-voto marins du Cap Sizun

L'association Aux Marins (www.auxmarins.net  et www.amedenosmarins.fr)  vous propose de découvrir les ex-voto particulièrement nombreux dans les lieux de culte du littoral maritime. 

De manière   exhaustive, Michel Bescou, membre du conseil d'administration  de l'association "Les amis du musée maritime du Cap Sizun" à Audierne et auteur du livre  "Sauvetage en Cap Sizun."  qui retrace l'histoire du sauvetage en mer et notamment de la SNSM,  décrit les richesses patrimoniales en ex-voto  d'une région côtière, le Cap Sizun,  où les ports de pêche sont particulièrement nombreux.

Ex-voto : contraction de la formule latine « ex-voto suscepto » qui signifie :

« en conséquence d’un vœu par lequel on s’est engagé ».

Le dictionnaire Robert donne de l'ex-voto la définition suivante : « Tableau, figure, objet, plaque portant une formule de reconnaissance que l’on place dans une église, une chapelle, en accomplissement d’un vœu ou en remerciement d’une grâce obtenue ».

La pratique des ex-voto est très ancienne. Bien avant le Christ la plupart des religions l’ont connue. Les premiers ex-voto seraient attribués aux phéniciens, la  civilisation chrétienne les fera siens, ne voulant pas bousculer les dogmes et les pratiques.

On trouve dans le Cap Sizun des mégalithes ornés de croix et de symboles chrétiens. Au même titre que les mégalithes les ex-voto ont été adoptés par la religion chrétienne.

Beaucoup d’ex-voto sont adressés à la Vierge Marie et à Sainte Anne. Il est naturel en effet dans une situation périlleuse, où l’on risque sa vie, de se tourner vers sa mère et qui mieux que la Vierge et Sainte Anne représentent les « mères » auprès du Très Haut.

De nombreux saints, et l’église encourage leur dévotion, sont également implorés. Saint Nicolas a la faveur des marins en particulier.

Face a une situation désespérée le marin (ou très souvent tout l’équipage) implore la Vierge ou une sainte ou un saint. Il promet que, s’il a la vie sauve, il offrira un objet votif qui sera soit suspendu soit exposé dans l’église ou la chapelle dédiée au saint imploré.

Ce tableau d’Henri-Paul Royer, exposé au Musée des beaux arts de Quimper, représente un marin du Cap Sizun et sa famille dans la chapelle de Saint Tugen (1898).

Son vœu ayant été exaucé, il vient offrir à la Vierge Marie une maquette représentant son bateau.

Si certains de ces objets votifs ont été réalisés par des artistes reconnus, ce sont le plus souvent des réalisations d’amateurs faites avec des moyens très frustres (objets récupérés composant le tableau ou la maquette, restes de peinture de navires…). Cela donne des réalisations très touchantes d’une naïveté et d’un grand réalisme qui nous touchent au plus profond de nous et nous permettent d’appréhender les modes de

vie de nos ancêtres. C’est important pour notre compréhension de l’histoire.

L’inventaire national de 1971.

La disparition d’objets dans les églises et chapelles, l’engouement pour les objets anciens, amenèrent les pouvoirs publics à inventorier les richesses de notre patrimoine religieux.

Un inventaire des ex-voto marins de Cornouaille fut fait au printemps de 1971. On y trouve :

Des tableaux votifs,

Des maquettes et des boîtes demi-coques,

Des bannières,

Des plaques votives souvent anonymes.

Voici classés par églises et chapelles les ex-voto recensés à cette époque :

Pour la Cornouaille, de la Laïta à l'Aulne, on compte 139 ex-voto existants dont 57 pour le Cap Sizun. Au total (existants et détruits) 154 Ex-voto dont 59 au Cap Sizun.

Les ex-voto marins se trouvent essentiellement dans les églises et chapelles du littoral. De par son histoire, tournée essentiellement vers la mer, rien d’étonnant que le Cap Sizun détienne à lui seul plus du tiers des ex-voto marins de toute la Cornouaille.

Les ex-voto marins du Cap Sizun.

Il est difficile de présenter ici l’ensemble des ex-voto de notre Cap. Nous en avons sélectionné quelques-uns, ceux qui nous semblent les plus représentatifs et qui offrent la diversité la plus grande.

La majorité des ex-voto du Cap Sizun sont des maquettes de bateau assez rustiques, souvent taillées au couteau et peintes avec les « fonds de peinture des bateaux ».

       Langroas, Notre Dame des Sept Douleurs, Cleden Cap Sizun.

En 1836, rapporte M. Nicol, recteur, deux marins, qui se disaient sauvés d’un naufrage par l’intercession de la Vierge, vinrent en pèlerinage à Langroas. L’un, Guénolé Kerloc’h, offrit en ex-voto à la chapelle une statuette de la Vierge ; l’autre, qui était commandant d’un navire de guerre et originaire de Brest, offrit un petit navire.

Le Stereden Vor est-il le bateau dont parlait le recteur Nicol en 1836? Cette version officielle est contestée par les anciens des villages proches de la chapelle. La maquette aurait été faite et offerte, selon eux, après la seconde guerre mondiale, par un marin ayant servi la France dans la marine (la date 1945, gravée sur le socle, accrédite cette version). 

Saint They, Cleden Cap Sizun.

Le Pourquoi Pas ? M. Perhirin et J. Guillou y  périrent.

La Douce France 

Sur la table d’autel repose une maquette votive du Pourquoi-Pas ?, le trois-mâts barque du Commandant Charcot, victime d’un naufrage sur la côte d’Islande en 1936. Deux clédinois, Michel Perherin et Jean Guillou étaient embarqués comme quartiers-maîtres à bord du Pourquoi-Pas ?, et périrent au cours du naufrage.

Le jour du pardon l’ex-voto est porté durant la procession par des jeunes garçons de la paroisse.

Saint Tugdual, Cleden Cap Sizun

Au-dessus de l’autel est un tableau du XVIIème ou XVIIIème siècle consacré à Saint Nicolas. Il représente une scène de naufrage avec un vaisseau en flamme dans la partie gauche. Au centre gauche le miracle des trois enfants ressuscités et à droite la légende des trois pucelles dotées par Saint Nicolas. Au centre occupant la majeure partie du tableau Saint Nicolas est représenté en évêque.

Saint Guénolé, Ile de Sein

Saint Julien, Poulgoazec, Plouhinec

Saint Vinoch, Plouhinec

Le sloop Sant They.

Saint Tugen, Primelin.

Cuirassé Bayard.

Offert par René Rivière (1863-1942) qui fit sur ce bâtiment son dernier embarquement dans la marine de l’état.

Le Bayard, cuirassé mixte à éperon, lancé en 1874, participa à la campagne de Chine de 1883 à 1885. L’amiral Courbet (1827-1885) commandant en chef, mourut à son bord. Le Bayard ramena son corps en France.

La maquette est dédiée à Saint Primel, patron de la paroisse. Elle était autrefois suspendue à la voûte de son église à Primelin avant d’être transférée dans la chapelle de Saint Tugen.

C’est probablement celle d’un vaisseau à deux ponts et 74 canons de la première moitié du XIXème siècle. Son équipage était de 600 hommes dont 16 officiers et 14 maîtres.

La maquette aurait été offerte par le capitaine Goardon de Kerandraon et serait peut être le vaisseau le Révolutionnaire.

Très endommagée en 1995 après la chute d’une partie du plafond de la chapelle elle fut restaurée. La photo ci-dessus a été prise après sa restauration.

Saint Michel (Saint Collodan), Lescoff en Plogoff.

Deux petits panneaux peints représentant la pêche au merlu.

« Des peintures sur bois de la chapelle de Saint-Collodan, en Lescoff, paraissant remonter à 1770, représentent deux bateaux pêchant.

Dans l’un, au mouillage, les pêcheurs tirent à bord le poisson accroché à leurs lignes.

Dans l’autre, armé de deux avirons, deux lignes traînent dans le sillage. C’étaient les deux anciennes manières de pêcher le merlu. » 

(La Morue du Raz de Fontenoy. Hyacinthe Le Carguet, Audierne, le 25 janvier 1910).

Si les deux très belles peintures sur bois ne sont pas visibles pour le moment dans la chapelle Saint Michel (dans l’attente d’une solution sécuritaire permettant de les exposer sans risque de vol), le superbe trois-mâts est toujours présent ainsi qu’une cloche du Titanic offerte à Saint Michel.

Notre-Dame du Bon Voyage et du Bon Port en Plogoff.

C’est dans cette chapelle dominant la baie d’Audierne à l’entrée de la ville de Plogoff que nous trouvons le plus d’Ex-voto.

Cette chapelle est elle-même un Ex-voto.

Monsieur Jean-Baptiste de Tréanna, seigneur de Kerazan en Cleden Cap Sizun, avait failli se noyer dans l’étang d’un moulin. Il avait fait vœu que, s’il gardait la vie sauve, il construirait une chapelle dédiée à la Vierge Marie.

Il tint promesse et, en 1698, il fit construire sur ses terres de Kerven en Plogoff, la chapelle qu’il appela Notre-Dame du Bon Voyage et du Bon Port. Les travaux furent terminés en 1703.

La chapelle abrite aujourd’hui 8 maquettes votives, une très belle statue en granit dédiée à notre Dame du Bon Voyage et un crucifix taillé au couteau.

Le paquebot France

Le cuirassé Richelieu. 

La Melpomène, frégate de 53 mètres construite à Rochefort et lancée le 20 août 1887. Elle servira d’école de gabiers.

La cloche du Pointe de Penharn.

L’Ex-voto en granit Notre-Dame du Bon Voyage.

Crucifix taillé au couteau par Alain Yven.

Au fond de la chapelle les remerciements à Notre-Dame du Bon Voyage. 

En 1921, rentrant du Chili chargé de guano, le quatre-mâts La Seine est couché sur le travers par une forte lame. Toute la bordée est projetée à la mer. Seul Alain Yven du Manoir, à Plogoff, réussit à s’accrocher à un treuil et est sauvé. Il venait de relever son ami Jean Diligeart de Kerherneau, en Plogoff également.

Un vapeur italien témoin du drame et croyant le quatre-mât perdu rendit compte de son naufrage.

Mais, six semaines plus tard, La Seine touchait les Açores puis regagnait l’Angleterre.

Nos deux capistes rejoignaient ensuite leur Plogoff natal où ils créèrent une totale surprise. On les croyait morts et leur messe d’enterrement avait été célébrée.

Suite à cet accident de mer Alain Yven construisit la maquette de son bateau et l’offrit à Notre-Dame du Bon Voyage et du Bon Port si bien nommée.

Le quatre-mâts La Seine.

Une grande partie de ces ex-voto est visible dans les chapelles et les églises, lorsque celles-ci sont ouvertes. Les pardons, et ils sont encore nombreux  actuellement, sont une bonne occasion pour ouvrir les chapelles et y découvrir leurs richesses. Ces jours-là, les bannières, les statues et les maquettes de bateaux sont présentes dans les processions.

Au début du XXème siècle le pardon de Notre Dame des Naufragés. 

Aujourd’hui encore ces processions sont très suivies. Si les porteurs de maquettes ne sont plus habillés en marins, les maquettes, elles, n’ont pas pris une seule ride et des associations très actives perpétuent les traditions et entretiennent merveilleusement leur patrimoine.

Conclusion.

Il est à la fois heureux et malheureux que la plupart de nos chapelles soient en règle générale fermées au public.

Heureux, car ainsi tous ces trésors accumulés y sont à l’abri (certains ex-voto ont même été retirés des chapelles attendant une protection plus robuste contre le vol pour y être à nouveau exposés).

Malheureux, car non accessibles et, par conséquent, non visibles.

On pourra longtemps regretter que la cupidité et l’immoralité d’une infime minorité pénalisent la grande majorité d’entre nous. Hélas, l’histoire nous apprend qu’il en fut presque toujours de même et aujourd’hui, alors que les ex-voto sont protégés, interdits à la vente et aux pratiques mercantilistes, il en est encore qui disparaissent et nous avons quelques exemples récents dans le Cap Sizun.

Concluons par cette citation extraite du très beau livre de Colette et François Boullet, « Ex-voto marin » :

« Les ex-voto ce sont des objets sacrés et à ce titre ils méritent un respect impératif ».

La Rose Effeuillée, patron Auguste Gouachet de l’Ile de Sein.

« Ex-voto » d’Anne-Emmanuelle Marpeau et Bernard Lagny, artistes       audiernais qui se sont fait une spécialité de ces « boites demi coques ».

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Le Livre :

(Remerciements)