29 Décembre 2010
Naviguer à NOEL : chercher les "sources de la mer"
« Ils s'en vont par delà les vents
Ces marins de la fin décembre
Cherchant au fond des océans
De quoi remplir leur bâtiment
Les mains rongées par la froidure
Les visages lardés de sel
Le sort leur fait la vie bien dure
Et pourtant, ce soir c'est Noël
Noël en mer, sur un bateau
Qu'usent la vague et la bourrasque de l'hiver »
René Louis LAFFORGUE- Noël sur Mer 1955
Sur toutes les mers du monde la nuit de Noël des marins naviguent …loin de leur pays, de leurs familles…Tous les marins le disent, naviguer le jour de Noël est de nature à engendrer de la nostalgie, du vague à l’âme, du spleen, voire de la tristesse… le marin est aussi un Homme.
Le soir de Noël, les difficultés physiques et morales liées à la solitude du marin en mer sont poussées à leur paroxysme. Le marin, tout naturellement, pense aux siens, à tous ceux qu’il aime mais aussi à tout ce qu’il aime…et qu’il aimerait avoir à cet instant.
Le soir de Noël, le marin médite, de manière sereine et profonde, sur le sens de sa vie, en faisant appel à toute la richesse dont son cœur et son esprit sont capables, pour trouver la paix intérieure dont tout humain a besoin.
La spiritualité a toujours été présente chez tous les marins du monde, depuis la nuit des temps.
Quelles que soient les croyances et les religions, la spiritualité est une aide précieuse dans cette réflexion car elle est de nature à engendrer l’ESPERANCE, l’espérance de jours meilleurs, l’espérance de sortir vainqueur des dangers de la navigation, l’espérance de revoir les siens...
La spiritualité est « …aspirations et pratiques spiritualistes qui se sont souvent développées de façon très normative (dans le cadre d’Eglises établies, ou de rites traditionnels) au point de rendre les termes religion et spiritualité synonymes pendant plusieurs siècles. La notion de spiritualité désigne des croyances et comportements humains universels antérieurs aux religions historiques, liés à l'espoir d'une survie après la mort physique, à une notion plus ou moins apparentée à celle de l'âme, en tant qu'entité cohérente et indépendante du corps… »
Certains voient dans la spiritualité « une simple expression de l'instinct de survie, voire un moyen de ne pas se confronter à la réalité de notre condition de mortels[11]; selon d’autres, elle révèle la mémoire intrinsèque de l’immortalité de l’âme. Si toute religion est fondée dans une spiritualité, toute spiritualité n'est donc pas une religion. Selon certains auteurs, la distinction se ferait ainsi : il y aurait dans la religion une perspective collective et dans la spiritualité une démarche plus individuelle[]. » (source Wikipédia)
En ces jours de Noël nous pensons à Toi,
Marin disparu,
Parle !
Donne aux vivants que nous sommes, matière à espérer !
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As-tu découvert les sources de la mer ?
As-tu circulé au fond de l’abîme ?
As-tu exploré ce chaos ?
Les portes de la mort te furent-elles montrées ?
Où passe le chemin qu’emprunte la lumière ?
Et les ténèbres où logent-elles ?
Livre du Prophète JOB 38,16-19
Que sont-ils devenus ces marins, ces disparus, ces péris en mer ?
Sont-ils allés aux sources de la mer ?
Qui étaient-ils ces hommes et ces femmes qui se faisaient confiance, partant ensemble sur un même bateau, se soumettant aux rythmes des marées, comme aux caprices des vents ?
Les grandes courses à voiles, les marins pêcheurs, les bateaux armés se croisent et se saluent.
Les bourlingueurs du monde entier, les marins pêcheurs, les navigateurs solitaires et les équipages sont de la même famille.
En cas de détresse le marin n’hésite pas à dérouter son bateau pour porter
secours à celui qui appelle,
Les mains font fi de la couleur du drapeau pour ne voir que les hommes
qu’il faut sauver.
Tous les marins savent que la mer les unit par delà leurs différences,
Les marins savent que les rencontres aux escales seront riches des coutumes de chacun.
Si aujourd’hui on hisse les voiles, c’est à cause de celles et ceux qui embarquent avec nous, Hisser les voiles c’est prendre le vent.
Sommes- nous les navigateurs d’aujourd’hui ?
Chacun connaît son port d’attache mais ne sait pas comment se passera la traversée.
Chacun connaît son bateau mais ignore les tempêtes de sa vie.
Chacun connaît sa détermination et s’interroge sur la surface de voile qu’il faudra déployer pour avancer, ainsi que sur la solidité du bateau.
Chacun de nous sait que larguer les amarres est toujours un risque.
La mer est toujours un danger à affronter.
Chacun navigue sa vie comme on le fait en pleine mer,
en pariant sur ses compagnons de bord et sur le vent
Sur la mer, aux jours de grand calme, comme aux jours de tempête,
L’homme s’interroge.
« Suis-je allé aux sources de la mer ? »
Job, le prophète de l’Ancien Testament, nous questionne aujourd’hui :
Sur terre, bien des personnes sont sûres d’elles- mêmes, elles comptent leur vie
à la seconde près, elles se projettent une carrière, elles planifient leur existence.
Sur la mer, l’homme se retrouve face à lui-même,
face à l’immensité du ciel, de l’océan. Sur la mer, l’homme est seul.
Et toi, « Es-tu parvenu aux sources de la mer ? »
L’illusion peut faire croire que l’homme est un produit comme un autre pour l’autre.
L’homme est promesse, il se mérite il est « à venir… »
L’homme est une victoire sur tout ce qui, en lui et hors de lui, vient l’asservir, le disperser, lui interdire la vie intérieure, la liberté ou la prière.
POUR NOUS AUJOURD’HUI
Prendre la mer est toujours un acte de foi en nous- même.
Aller « aux sources de la mer »
c’est aller aux sources de soi- même.
Chacun navigue sa vie comme on le fait en pleine mer.
Et la vie est ainsi :
il faut toujours garder les écoutes à la main pour pouvoir choquer la voile si nécessaire.
Il faut toujours avoir une vigie sous le vent pour indiquer au barreur les dangers
cachés par les voiles.
Il faut toujours, sur un bateau, s’assurer quelque part.
La vie c’est aussi le mystère de chacun qui se dévoile peu à peu,
C’est aussi le projet de tous de devenir plus Homme et plus Femme,
C’est l’aspiration de chacun à réussir sa vie,
C’est le combat à mener pour être vraiment soi-même.
Le Dieu des origines donne son souffle aux navigateurs de la vie intérieure.
Coincés entre deux générations, celle qui nous quitte, celle qui nous pousse,
Coincés entre ce que nous voudrions être et ce que nous sommes,
Coincés entre nos amours et nos haines,
Coincés entre nos pardons et nos rancunes,
Coincés entre nos espoirs et nos faiblesses,
Nous sommes tous à la recherche de nous- même,
Nous sommes tous des marins qui nous interrogeons.
« Es-tu parvenu aux sources de la mer ? »
Le Dieu des origines fait équipage avec nous dans cette aventure de la vie,
Dieu se fait souffle, Dieu se fait vent.
Il ne dépend que de nous de savoir quelle surface de voile nous hissons
pour aller plus loin.
Le Dieu des origines
donne son souffle aux navigateurs de la vie intérieure
et parfois nous voyons jaillir dans nos vies
une force qui nous pousse plus loin,
une liberté qui nous remplit de bonheur,
une parole qui nous fait repartir,
une amitié qui nous devient précieuse,
Pour nous, marins, la seule terre qui nous reste à découvrir, c'est notre vie.
Il nous faut découvrir
les côtes de notre monde intérieur,
les contours de nos existences,
les lois de nos partages avec d’autres,
l’aventure de nos vies.
Comme on le fait en haute mer, naviguons
en saluant les autres et, parfois, faisons route avec eux.
En Pen Ar Bed, au bout du monde, embarquons à nouveau,
Laissons résonner en nous cette parole du DIEU des origines,
Le dieu de toutes les croyances humaines et spirituelles.
« Es-tu parvenu aux sources de la mer ?
Es-tu parvenu aux sources du salut ? »
Texte de René Richard
Administrateur de l'association "Aux Marins"
2010