On monte la côte, puis il faut traverser le bourg de « Ploubaz » vers celui de Perros Hamon, laisser Pors Even sur la droite, et
pousser jusqu’au bout du chemin ... de la Via … là où le paysage s’ouvre, grandiose, de Bréhat à Guilben voire à
Bilfot … voici la ligne d’horizon sur laquelle les cailloux, les îles, s’enfilent comme les perles d’un chapelet dont la croix se dresse, là, vibrante dans sa solitude …
Est-ce prémonition lorsque Yves Cornic, recteur de Ploubazlanec au XVIII° siècle, crée une Via Dolorosa dans l’esprit de celle qu’il aurait
parcourue à Jérusalem ?
Le point de départ est le calvaire de Kerroc’h, non loin duquel est construite au XIX°, une tour qui s’inscrit depuis dans le paysage
paimpolais.
Yves Cornic fixe comme aboutissement à la Via, le site d’une ancienne chapelle, celle de la Trinité, qui laisse son nom à cette pointe qui ferme, au Nord, la baie de
Paimpol.
Une croix marque dès lors cet emplacement,
c’est la plus éloignée,
d’où son nom de « Kroaz Pell ».
La base est carrée à trois marches aux rebords frangés par l’érosion. Le socle, cubique, est posé en diagonale sur le
dernier degré.
Le fût, monolithique, à 4 pans,
aux angles coupés,
est sommé d’une croix mutilée
ornée d’une Pieta d’un côté et de la Trinité de l’autre, enchâssées de lichens d’or et d’argent .
Le socle et le fût portent des inscriptions et en particulier la date de 1714.
Via Dolorosa,
chemin de douleurs !
Paimpol est un port qui arme à la pêche à la morue en Islande et qui recrute ses équipages dans les environs. La route d’Islande est ouverte en 1852, rouvrant ainsi une
voie fréquentée plus de trois siècles auparavant ; la pêche à Terre Neuve à laquelle Paimpol ne s’est pas particulièrement intéressé, est alors sur le
déclin.
La mer d’Islande est plus froide, plus dure aussi.
Dès 1854, elle amorce son épouvantable dimension dramatique : les naufrages.
Des bateaux ne reviennent pas, ajoutant d’année en année leur nom à une liste qui
s’allonge … plus d’une centaine de bateaux, plus de 2 000 hommes …
La pardon des Islandais avait lieu en février ; s’ensuivaient la fin des préparatifs pour une campagne de 6 à 7 mois ; le signal de départ était donné courant mars mais parfois plus tôt et « déployant ses voiles, la goélette saluait la croix des Veuves, la chapelle de la Trinité, où s’agitaient encore quelques coiffes blanches, des mouchoirs, contournait la croupe de Pors Even et faisait route vers l’Islande » écrit Mgr Kerleveo en 1942.
Emu par leur sort, Pierre Loti a décrit la vie des marins « Islandais ».
Du haut du promontoire quelle voile apparaîtra la première ? Si ce n’est lui, au moins des nouvelles ! La belle Gaud comme trop de ses consoeurs, y vient attendre, dans
les chauds rayons de la fin de l’été celui qui ne reviendra plus …