Dans nos îles du bout du monde dont une grande partie de la population masculine pratiquait la pêche dans les mers dangereuses qui les bordent ou naviguait dans les eaux lointaines, la liste est longue de ceux qui périrent en mer et dont l’océan ne rendit jamais le corps.
Les familles doublement touchées par la mort et par l’absence avaient coutume d’entamer leur deuil par une cérémonie de substitution, comportant la présence symbolique du disparu.
A l’île de Sein, pendant que sonnait le glas, un drap était étendu sur la table de la pièce unique. Le
défunt y était représenté sous la forme d’une croix dessinée à l’aide de serviettes.
On y disposait, généralement, la photo du marin, entourée de cierges qui brûleront toute la nuit, au cours d’une veillée de prières réunissant les proches et un représentant de toutes les
familles de la paroisse.
A Ouessant, où cette cérémonie du Proélla sera organisée jusqu’aux années 1960, le cérémonial sera pratiquement identique à la
différence de la représentation du défunt par une petite croix de cire, elle aussi posée sur un grand drap blanc.
Le lendemain, cette veillée était suivie du transfert à l’église pour la cérémonie de la messe des morts à laquelle assistait la majeure partie de la population.
A son issue, à Ouessant, la petite croix de cire était portée au cimetière et déposée dans un modeste monument abritant le symbole de tous les péris en mer, et qui comporte l’inscription :
« Ici sont déposées les croix de Proélla en mémoire de nos marins qui meurent loin de leur pays, dans les guerres, les maladies et les naufrages. »
Dernier hommage, qui par cet artifice rapprochait les morts de la communauté des vivants, au même titre que tous les paroissiens reposant dans cette terre de leurs ancêtres.