7 Février 2013
Le samedi 8 septembre 2012
La ville de Cancale en Ille-et-Vilaine a célébré le 400ème anniversaire de la fondation par Daniel de la Touche de la Ravardière de la ville de Sao Luis, ville brésiliennede la province du Maranhão qui compte aujourd’hui près d’un million d’âmes. De nombreuses manifestations culturelles et artistiques furent organisées et le point d’orgue de la commémoration a été l’inauguration du buste du navigateur (œuvre de l’artiste local Patrick Abraham) par le chef cancalais Olivier Roellinger et Madame Marie Soubigou, épouse du Consul honoraire du Brésil pour la Bretagne... Des descendants du navigateur participaient à cette célébration.
A quelques heures près, une délégation Cancalaise (et Malouine) était reçue en grande pompe à Sao Luis, où le souvenir d’une conquête humaine et respectueuse des populations par le navigateur français a été transmis de génération en génération.
A la fin de son concert, la belle et talentueuse artiste brésilienne Aline de Lima, originaire de la province de Maranhão, s’est adressée à ses admirateurs :
« Des deux côtés de l’Atlantique, nous sommes les mêmes personnes, nous avons la même culture, même si nous ne parlons pas la même langue. Merci à vous, Cancalais d’avoir cet esprit d’ouverture et d’entreprise. Je suis le fruit de vos rêves ! »
Il n’en fallait pas plus aux cancalais pour être conquis à leur tour. Ce soir-là, ils étaient tous « breizh’iliens ».
Buste à Cancale Buste à Sâo Luis
Daniel de la Touche, sieur de la Ravardière
Originaire du Poitou où il est né vers 1570, il épouse en 1589 Charlotte de Montgomery, une veuve, fille d’un noble protestant normand. Douairière du Plessix Bertrand, elle réside à Saint Coulomb (entre Cancale et Saint-Malo). Ravardière est un farouche défenseur de la Réforme. Il participe, à l’appel de son beau-frère, à plusieurs actions armées contre la Ligue en Normandie. Il attaque en particulier un château près de Saint James et mène un assaut sur le mont Saint Michel.
Puis le couple s’installe à Cancale, au port de la Houle .
Expédition en Guyane
En cette période où des terres nouvelles sont explorées et conquises de l’autre côté de l’Atlantique, de la Ravardière, avec le soutien du roi Henri IV, arme un navire et part de Cancale en 1604, accompagné par un jeune apothicaire, Jean Mocquet, pour une première expédition en Guyane. Il explore la rivière Oyapock et établit des contacts avec les tribus qui s’y trouvent. Il ramène même un jeune indien pour le présenter à la cour.
La « France équinoxiale »
Daniel de la Touche, que le roi vient de nommer « lieutenant général de toutes les terres comprises entre l’Amazone et l’Orénoque », rencontre Charles d’Estenou, sieur des Vaux, qui a déjà établi de nombreux contacts avec les tupinambas sur l’île de Maragnan où quelques français commercent avec les tribus locales. Le cancalais monte une seconde expédition à destination du Brésil, convaincu de pouvoir fonder une terre française, la « France équinoxiale ». Il arme deux navires, l’Esprit et le Choisy. Il appareille de Cancale en juillet 1609 et atteint l’ile de Maragnan en septembre. Les contacts avec les autochtones sont amicaux et laissent augurer de bonnes relations avec les futurs colons.
Après avoir pris de nombreux contacts avec les populations locales, bâti plusieurs habitations, La Ravardière ordonne l’appareillage du retour vers la France fin mars en laissant derrière lui quelques colons.
Le 22 mai 1610, les français atteignent Cancale où ils apprennent que le bon roi Henry, leur protecteur, a été assassiné.
Daniel de la Touche sent que son projet de fonder une colonie forte à l’issue d’une autre expédition significative est fragile, car si Marie de Médicis reconduit la Ravardière dans sa charge elle ne soutient pas financièrement ses projets. Incapable d’assumer seul une telle entreprise, Daniel de la Touche se tourne alors vers plusieurs mécènes. Ces rencontres aboutissent à une association avec François de Razilly et Nicolas de Harlay.
Fin mars 1612, les préparatifs sont terminés et pour les équipages il fallait encore procéder au rituel de la bénédiction de cette entreprise. Mais l’évêque de Saint Malo ne daigne pas descendre à la Houle pour bénir les navires du huguenot. La célébration se fait sur les hauteurs, devant l’église où quatre croix destinées à l’évangélisation des indiens sont bénies. Après le départ de l’évêque, ce sont les quatre moines capucins, imposés par la Reine, qui bénissent les trois navires.
Tout ceci laisse un goût amer aux réformés et aux partisans d’une bonne entente entre catholiques et huguenots.
L’île de Maragnan
Enfin, le 19 mars 1612 au petit matin, le "Régent", la "Charlotte" et la "Sainte-Anne" lèvent les voiles. Ces navires emportent dans leurs flancs des centaines d’artisans, éleveurs et agriculteurs. L’île de Maragnan est atteinte le 26 juillet suivant. Quelques jours plus tard, les colons commencent à édifier au sommet d’une éminence le fort Saint-Louis en hommage au jeune Louis XIII. La colonie se répartit sur l'île en une vingtaine de hameaux.
Les Portugais voient d'un mauvais oeil cette implantation française. Philippe III d’Espagne fait fi des lettres patentes délivrées par le roi de France et décide de chasser les colons. Jeronimo de Albuquerque et Campos Moreno sont chargés par le gouverneur du Brésil de mettre fin à la présence française.
En décembre 1612, laissant de la Ravardière sur l’île de Maragnan, le "Régent" appareille pour la France avec à son bord le sieur de Rasilly, accompagné de six tupinambas. Sa mission est de convaincre la cour d’envoyer des renforts pour consolider la colonie française qui subit des assauts répétés de la part des portugais. Mais souhaitant un rapprochement avec l’Espagne, Marie de Médicis ne lève pas le petit doigt.
Le sieur de Rasilly revient au Maragnan à bord du "Régent" en juin 1614.
En novembre 1614, sûr de sa supériorité navale et terrestre, à la tête de troupes remplies d’assurance, de la Ravardière décide d’attaquer une base portugaise proche qui était la plus grande menace pour les français. Pour le cancalais, la victoire est inéluctable mais, trop confiant, il lance ses troupes qui essuient un cuisant échec devant un ennemi bien moins nombreux mais très bien préparé. La stratégie de Daniel de la Touche est désastreuse.
Le 19 novembre 1614, la défaite de Guaxenduba sonne la fin du rêve de la « France Equinoxiale ». La capitulation des Français est signée un an plus tard.
En 1616, Daniel de la Touche, sieur de la Ravardière est retenu à Lisbonne pendant deux années. Les portugais se méfient de lui et lui prêtent -à raison- des velléités de reconquête sur les terres portugaises de l’autre côté de l’Atlantique. En 1619, il est même interné à la Tour de Bélem pour être enfin libéré en 1620 après intervention du roi de France.
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Article rédigé par par Roland Offerlé, Compagnon de l'Ordre National du Mérite et délégué de l'association Aux Marins pour le département de l'Ille-et-Vilaine
Sources :
Thierry Huck, historien, Cancale
Alain Roman « Malouins et Cancalais à la conquête du Brésil (Cristel 2010)
Le Ruban Bleu 2012 N° 31 décembre 2012 de la section Ille-et-Vilaine de l'Ordre national du mérite- www.anmonm35.fr