9 Août 2013
Le cénotaphe, partie intégrante du Mémorial national des marins morts pour la France, est surplombé par une terrasse d'où les visiteurs admirent la mer d'Iroise, le chenal du Four, les îles de l'archipel de Molène, Ouessant...
Scruter l’horizon vers l'Ouest après avoir rendu hommage aux marins disparus fait partie de la symbolique du mémorial.
L’horizon est mythique et invite à la méditation.
Un panneau d’interprétation (1) guide le visiteur et évoque… « la grande ligne inaccessible de l’horizon … paysage quotidien du marin, rappel permanent de ceux que l’océan n’a pas rendu… »
L'esprit du visiteur s'évade ... il pense à tous ces marins "péris en mer" engloutis dans les flots. Cette pensée est en soi une action de mémoire, une forme d'hommage aux marins.
Le souvenir de tous ces travailleurs de la mer péris en mer, quelles que soient les circonstances de leur disparition, s'exprime aussi sous les traits du visage de la "mater dolorosa" qui surplombe la stèle regardant l'horizon d'un air éploré....
L'IMAGINAIRE CELTE...
Le visiteur ignore souvent que l'horizon vers l'Ouest était déjà un symbole chez les Celtes et plus particulièrement chez les habitants de l'Armorique.
L’historien byzantin Procope écrivait au VIème siècle :
«...les armoricains croyaient que de grands bateaux sans pilote venaient chercher les âmes des morts sur le continent à l’Ouest de l’Armorique pour les transporter dans une île bienheureuse de l’autre côté de la mer, au milieu de celle-ci."
On sait aussi que les druides avaient l’habitude de se faire inhumer dans des îles pour suivre les étapes d’un voyage symbolique où leurs âmes sont "guidées vers les îles bienheureuses qui sont situées comme chacun sait à l’ouest du monde là où le soleil s’engloutit pour mieux renaître le lendemain".
L'Armorique a toujours été pour les Celtes un "embarcadère des âmes vers des îles merveilleuses situées au-delà de l'horizon, une terre de jonction entre le monde des vivants et celui des disparus".
LE PARADIS DU COUCHANT (le Couchant étant synomyme de l'Ouest - là où le soleil se couche)
Voici une légende que vous pourrez entendre en Pays d'Iroise et notamment à l'île Molène.
"Quand le Breton des côtes se prépare à mourir, son âme impatiente et lassée de son corps brûle de devenir anaon (2) et d'appareiller au large.
C'est là que se trouve le Paradis sans latitude ni longitude que les Celtes trouvèrent en eux-mêmes sans sextant ni boussole.
Les Irlandais l'appellent Tir na n'Og et les Bretons Bro ar Re Yaouank, qui veut dire Terre des Jeunes, parce que le temps n'y est pas compté.
Une île, terre flottante, qui ne connaît qu'une fois la même vague, ne reste qu'un instant à l'aplomb de chaque étoile. Elle est beaucoup plus loin qu'on ne saurait le dire, et pourtant il suffit d'une seule marée pour la rejoindre.
On ne peut pas mourir quand la mer monte au plein. Le dernier souffle est exhalé à mer étale et le reflux embarque l'âme dans la lourde écume de sa vague en retour.
Mais il faut le vent haut, le vent d'amont, pour porter en kornog. Si le vent garde l'âme dans le sillage du soleil, elle navigue sur l'île fortunée, au signal d'un grand feu qui arde nuit et jour la plus haute éminence.
Au rivage l'attend un cortège d'élus dans une lumière surnaturelle où toute impureté se dissipe et se fond. Tous les arbres sont verts, toutes les nourritures se résolvent dans la pomme, tous les breuvages dans l'hydromel des sources vives. C'est un pardon sans fin, sous les ombrages, et les plus beaux cantiques des fées à tresses blondes bercent les bienheureux dans leurs demeures transparentes" (3).
L’AME DES MARINS DISPARUS
Un autre symbole est solidement ancré dans l’esprit celte et armoricain : les oiseaux de mer transportent sous leurs ailes les âmes des marins disparus.
Cette croyance s’est largement répandue dans tous les pays du monde comportant une façade maritime.
De la terrasse du cénotaphe chers amis visiteurs lorsque vous scruterez l’horizon, observez bien les oiseaux de mer qui survolent le mémorial et ayez une pensée pour nos marins disparus.
Cette tradition a été reprise dans l’hymne de l’association Aux marins (4) dont voici le refrain.
L’AME DES MARINS
L’âme de nos marins plane sur l’océan,
Je l’ai vue ce matin sous l’aile d’un goéland,
Elle s’enferme le soir, sur les îles endormies,
Protégeant les secrets qui entourent leur vie.
PIERRE LEAUSTIC
(1) Rédigé par Thierry Mercadier architecte-concepteur du cénotaphe
(2) En langue bretonne : âme des trépassés
(3) Source site internet http://bretagne-celtic.com/
(4) Musique et paroles de Freddie Breizirland adhérent de l’association « Aux marins ».
Crédit Photos : Association « Aux marins ».